Projet de requalification urbaine des logements sociaux
Cet article précise les motivations pour le choix qui a été fait de privilégier la rénovation à la démolition-reconstruction dans le cadre de la requalification urbaine du parc social à Chaville.
En préalable, il convient de rappeler certaines contraintes et certains objectifs du projet :
- Hauts-de-Seine Habitat (HDSH) devra reconstituer intégralement son offre de logements locatifs sociaux (LLS)
- La Ville souhaite ne pas dégrader son taux de logements sociaux (dit taux SRU) à l’issue du projet, actuellement à 25%
- La Ville, HDSH et le département souhaitent développer une mixité sociale à l’intérieur de ces 3 quartiers
- HDSH souhaite pouvoir générer des financements pour pouvoir réaliser les différentes rénovations prévues.
Ce préalable étant posé, la position actuelle est donc de privilégier la rénovation des deux tours plutôt que la démolition-reconstruction et ce pour au moins cinq raisons principales :
- Sociales
- Environnementales
- Économiques
- Urbaines
- Architecturales
1. Les volets sociaux
La conservation des tours et leur rénovation permet de maintenir un niveau de loyer très accessible. À l’issue de la rénovation, les loyers ne pourront pas être augmentés de plus de 10% (compensés par une baisse des factures d’énergie). La construction neuve, à l’inverse, se positionne automatiquement au niveau des « loyers plafonds » du logement social neuf qui sont en moyenne beaucoup plus élevés que ceux pratiqués actuellement au Doisu.
L’effet aurait donc été d’exclure une partie de la population actuelle qui ne pourra pas se payer les nouveaux loyers et ce n’est pas ce que l’on veut.
Par ailleurs, la démolition-reconstruction entraine automatiquement d’importants mouvements de population et de relogements qui sont souvent des traumatismes pour les occupants, surtout si ces relogements en sont pas souhaités au départ par les habitants. Cependant, nous ne savons pas encore dans quelle mesure les tours peuvent être rénovées en site occupé et ce sera l’objectif d’une des études en cours.
L’expérience montre également que les populations s’identifient souvent à leur logement. Dire que les tours « sont moches », c’est aussi indirectement s’adresser à leurs occupants.
Pour en savoir plus sur les conséquences sociales de la démolition-reconstruction-relogement : https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2006-1-page-191.htm
2. Les volets environnementaux
Toutes les études montrent qu’une opération de démolition-reconstruction a un bilan carbone (et matière) beaucoup moins performant que la rénovation. Cela est dû en particulier à l’énergie grise qui représente l’énergie et le carbone qui doivent être générés pour construire le bâtiment. On sait aussi que la production du béton, et donc du ciment, est fortement émettrice de carbone pendant que les émissions de carbone liées au chauffage vont baisser du fait de la décarbonation progressive du mix énergétique à Chaville (décarbonation du réseau de chauffage urbain).
Exemple d’article sur le sujet : https://www.lesechos.fr/partenaires/novaxia/rehabiliter-les-batiments-levier-sous-estime-dans-la-transition-bas-carbone-1162734

Réhabiliter les bâtiments, levier sous-estimé dans la transition bas carbone
Alors que le bâtiment génère un tiers des émissions de CO2 en France, la réhabilitation permet de pérenniser des immeubles anciens aux piètres performances énergétiques. Une solution particulièrement pertinente dans le Grand Paris, en raison de la rareté du foncier. Illustration à Nanterre où l’ancien hôtel du Département s’apprête à devenir un campus innovant, vert et ouvert sur la ville.
www.lesechos.fr
Mais il y a une autre dimension environnementale du sujet à prendre en compte : la pleine terre.
Reconstituer l’offre de logement, voire l’augmenter fortement (voir ci-après), avec des immeubles plus petits en hauteur conduit automatiquement à artificialiser plus les sols.
Au-delà du fait que cette approche pourrait être incompatible avec les règles de pleine terre notre nouveau PLUi, les études réalisées par l’architecte Christophe Béchu il y a quelques années montraient bien une forte densification des quartiers et la destruction de plus d’espaces verts avec l’hypothèse d’une démolition-reconstruction.
3. Les volets économiques
Même si la rénovation d’une partie très importante des 626 logements coûte très cher, la construction neuve coûte par définition encore plus cher. La solution de rénovation nécessite donc beaucoup moins de financements publics et privés.
Il semble plus facile de construire un montage financier sobre dans le cas de la rénovation, sachant qu’une partie importante du financement de la reconstitution de l’offre sociale vient de la cession de fonciers de HDSH à un opérateur qui réalisera les logements privés en accession.
4. Les volets urbanistiques
Comme expliqué ci-avant, la reconstitution de l’offre de logement social sera largement financée par la construction de logements privés neufs. Plus le coût de la reconstitution de l’offre sociale sera élevé (par exemple en construisant beaucoup de logements sociaux neufs), plus il sera nécessaire de construire de logements neufs privés pour la financer.
On voit donc clairement que la solution d’une démolition-reconstruction conduit à une densification beaucoup plus importante sur notre commune que dans le cas d’une rénovation-surélévation.
Pour terminer, l’option de la rénovation devrait permettre un déroulement plus rapide du projet que la démolition-reconstruction.
5. Les volets architecturaux
Certains bâtiments du parc de HDSH et en particulier les tours du Doisu bénéficient de qualités architecturales intrinsèques qui peuvent être développées et mises en exergue dans le cadre d’une rénovation. D’une certaine manière, ces tours font maintenant partie du patrimoine architectural de la Ville.
Cette analyse a été confirmée lors de la visite des architectes Lacaton et Vassal sur le site du Doisu du 25 juin 2021. Ces architectes ont été lauréat du Prix Pritzker 2021.
Pour en savoir plus sur la qualité architecturale des projets en rénovation (Lacaton et Vassal) : https://www.lacatonvassal.com/data/documents/20181213-1042021605_AA_412-compressed.pdf
Tout ceci étant exposé, ne soyons pas naïfs, il faut aussi comprendre pourquoi les logements des tours du Doisu peuvent rebuter certains demandeurs de logements sociaux et certains occupants actuels.
La hauteur des bâtiments ne semble pas être un problème puisque à hauteur identique, la résidence des Créneaux adjacente ne pose aucune difficulté.
Plusieurs éléments peuvent poser problème sur les tours du Doisu (liste non exhaustive et qui sera affinée dans les études en cours) :
- L’importance des factures d’énergie (ces bâtiments sont des passoires thermiques notoires)
- Les dysfonctionnements récurrents des ascenseurs
- La présence permanente de cafards dans les cloisons en bois des appartements
- L’état général du bâtiment (en particulier des balcons)
- Le comportement parfois « inapproprié » de certains locataires
Les dysfonctionnements techniques identifiés trouvent leur solution dans la rénovation lourde des tours.
Le dernier point, sur le comportement inapproprié des certains occupants, suppose une réflexion de fond pouvant trouver partiellement des réponses avec des actions sur la gestion, les services, l’animation du quartier (équipements sportifs ?) et la réponse à certaines attentes de ces occupants particuliers qui faudra traiter avec doigté en coordination entre les locataires, la Ville, HDSH et les associations locales. Il peut être aussi nécessaire de travailler sur la politique de « peuplement » dans le strict respect des règles d’attribution des logements et de la grille de cotation.
Pour citer Winston Churchill et pour une note d’espoir : « We shape our buildings: thereafter they shape us » ( nous façonnons nos bâtiments ; par la suite, ils nous façonnent.).
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