Tour d’horizon de la problématique liée au nucléaire dans la transition énergétique

Selon le scientifique américain Amory Lovins [1] interviewé dans le Monde du 02/11/2022 : « le nucléaire ne représente que 0,5 % des ajouts nets de capacité [de production d’électricité]. C’est juste une distraction. »

À l’heure où le destin du mix électrique Français [2] fait l’objet d’une vaste concertation nationale où tous les citoyens sont invités à exprimer leurs avis et préoccupations en la matière [3], dans un contexte où la filière nucléaire bénéficie d’une vaste opération de communication et de lobbying [4], il nous semble utile de clarifier nos réflexions en mettant à jour notre article publié en février dernier. 

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Le nucléaire serait donc juste une « distraction » qui nous éloignerait de ce sur quoi nous devrions nous concentrer (sobriété, efficacité énergétique et développement des renouvelables) ? Corinne Lepage ne dit pas autre chose dans une tribune au Monde du 19/11/2022 intitulée « Le nucléaire est l’une des énergies les plus coûteuses », concluant que « les scénarios de l’ADEME ou de RTE (EDF), fondés exclusivement sur les énergies renouvelables à partir de 2050, devraient être les choix les plus rationnels à effectuer. »

Précisons donc pourquoi selon nous le Nucléaire est au mieux une coûteuse « distraction », au pire une dangereuse impasse :

a. Le nucléaire est trop cher comparé aux alternatives renouvelables, et nous fait perdre un temps et des moyens précieux qui seraient mieux utilisés dans la filière renouvelable

Amory Lovins [5] indique que le prix d’un nouveau kilowattheure nucléaire coûte, suivant les sources, trois à treize fois plus cher qu’un nouveau kilowattheure solaire ou éolien [6]. Ainsi, en investissant un euro dans le nucléaire, on substitue donc trois à treize fois moins d’énergie fossile pour une énergie décarbonée qu’en investissant le même euro dans le renouvelable. Etant donné l’urgence de la crise climatique, nous ne pouvons pas nous payer le luxe du nucléaire.

Plus d’info en annexe 2.

b. Quasiment aucun investisseur privé n’accepte de prendre le risque de projets nucléaires

Cela devrait faire réfléchir à la nature particulière de ce risque. Le recours à un financement exclusivement public est aussi un poids potentiellement très lourd que nous transférons aux générations futures, celles-là même qui auront à gérer notre dette climatique.

c. Le nucléaire ne sera jamais qu’une énergie marginale à l’échelle mondiale

Sa part est passée maintenant sous la barre des 10% de la production d’électricité mondiale en raison notamment de la baisse très forte des coûts des énergies renouvelables. En 2021, alors que 350 milliards de dollars étaient investis dans les renouvelables, seulement moins de 7% de cette somme (24 milliards) étaient investis dans le nucléaire [7].

Plus d’info en annexe 3.

d. Le nucléaire est trop long à développer

Un projet nucléaire nécessite de l’ordre de 12 à 20 ans de développement. La lutte contre le changement climatique nous impose d’aller très vite si on veut garder un espoir de maintenir à terme le climat que nous connaissions depuis des millénaires : – 55% d’émission de Gaz à Effet de Serre d’ici 2035, «0 net carbone » en 2050. Outre un effort de sobriété et d’efficacité énergétique le plus rapide possible, cet objectif nous impose une électrification rapide de la plupart des process et la mise en place concomitante de moyens de production d’électricité décarbonée. Les nouvelles centrales nucléaires ne pourront jouer aucun rôle à un horizon aussi proche que 2035, et ne sauraient être que marginales en 2050.

e. Le nucléaire n’est pas le complément idéal de la production renouvelable

On pointe souvent, à juste titre, la difficulté des deux grandes technologies renouvelables (Solaire Photovoltaïque et Eolien) de ne pas être pilotables. Sauf à accepter de baisser la consommation pendant les périodes (non contrôlées) de plus faible production, il convient de compléter le dispositif par des moyens additionnels, capables de reprendre en temps réel la charge que l’éolien et le Solaire Photovoltaïque ne produiraient plus. Le nucléaire, par son inertie structurelle, n’est pas adapté à jouer ce rôle, tant la production éolienne est capable de varier très fortement dans un laps de temps court. Seuls des moyens thermiques (Biogaz ou Hydrogène) ou hydrauliques sont en mesure de faire ce travail de dentelle.  

Plus d’info en annexe 4.

f. Résilience de la filière et maintien des compétences

La France n’a pas su maintenir entre les années 1990 et les années 2010 les compétences techniques pour la construction de nouvelles centrales, comme le prouvent les fiascos des projets d’EPR. Comment peut-on raisonnablement penser pouvoir maintenir cette compétence sans discontinuer sur le temps long du nucléaire, bien au-delà du siècle ? De plus, si la maîtrise de nos émissions de Gaz à Effets de Serre dans la décennie qui vient ne se révélait pas assez rapide et drastique, les conséquences du changement climatique risqueraient de se faire ressentir très durement sur nos sociétés, mettant le maintien de la compétence technique encore plus en difficulté. En cas d’effondrement, même partiel, l’éolien et le photovoltaïque seraient bien moins dangereux à exploiter que le nucléaire.

Plus d’info en annexe 5.

g. La fiabilité du nucléaire n’est pas assurée

La situation actuelle du parc nucléaire Français (50% de la puissance indisponible à l’automne 2022) nous rappelle que la disponibilité technique des moyens de production n’a rien d’acquis, notamment avec un parc vieillissant. Par ailleurs, la technologie nucléaire est particulièrement vulnérable aux épisodes de chaleur, appelés à se multiplier sous l’effet du changement climatique, car le nucléaire, contrairement aux technologies renouvelables, à besoin d’une source froide pour fonctionner (un tiers du parc avait été mis à l’arrêt pendant l’été caniculaire de 2003). L’idée que le nucléaire serait plus fiable et maîtrisable que les renouvelables est donc à relativiser.

h. Risque d’approvisionnement : le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable

Alors que le vent, le soleil et l’eau sont des ressources renouvelables ne dépendant pas d’autres Etats, l’uranium, nécessaire à la filière Nucléaire, provient en partie de pays « complexes » tel que le Niger ou le Kazakhstan. Au-delà des risques politiques, la chaîne d’approvisionnement sur longue distance est une autre source de vulnérabilité.

Plus d’info en annexe 6.

i. La gestion des déchets nucléaires n’est toujours pas résolue

Depuis plus de 50 ans que la question de la gestion des déchets a été posée, aucune solution opérationnelle de long terme n’a été mise en œuvre. Dans ces conditions, le chiffrage du kWh nucléaire et l’acceptabilité du stockage des déchets de longue durée restent incertains : cette industrie s’apparente à une fuite en avant technologique et environnementale. Le Nucléaire nous conduit à transférer aux générations futures le fardeau de nos déchets dangereux.

Plus d’info en annexe 7.

j. Les risques spécifiques du Nucléaire

Le nucléaire a démontré par l’exemple (notamment à Fukushima et Tchernobyl) que les accidents s’avèrent en réalité plus fréquents qu’anticipé. Sans bilan sanitaire complet et précis, l’impact sur la santé humaine s’avère difficile à quantifier. N’en reste pas moins que l’Eolien et le Solaire PV induisent des risques infiniment moins élevés que le nucléaire. Du reste, la mise en œuvre de zones d’exclusion millénaires dans un pays comme la France serait un prix exorbitant à payer.

L’usage militaire du Nucléaire civil comme démontré en Ukraine par l’armée Russe, ou terroriste par l’usage de « bombes sales » (visant la dissémination en ville de matière radioactive)  rendues possible par la dissémination des lieux de production sont autant de vulnérabilités majeures directement liées au Nucléaire civil.

Plus d’info en annexe 8.

CONCLUSION

Compte tenu de tous les points mentionnés plus haut, le Nucléaire apparaît comme une énergie potentiellement beaucoup plus dangereuse que les alternatives renouvelables, et mal adaptée aux défis de la transition énergétique par son coût et son temps de développement.

Les scénarios d’une électricité 100% renouvelable à l’horizon 2050 tel que proposé dans des termes voisins par RTE, l’ADEME et NegaWatt apparaissent largement plus désirables pour l’ensemble de la société. Dans cette perspective, les centrales nucléaires existantes pourraient être maintenues en service quelques années supplémentaires, sous réserve de conformité technique, le temps de développer rapidement un mix « 100% renouvelable + gaz verts + stockage», tout en amplifiant sans attendre les efforts vers une sobriété énergétique [8].



Faisons entendre notre voix
dans la concertation nationale sur la transition énergétique !

Accueil | Notre avenir énergétique se décide maintenant (concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr)

Les orientations qui seront exprimées par les citoyens durant cette concertation seront importantes car elles seront versées au débat parlementaire sur la future loi de programmation sur l’énergie et le climat en 2023 qui devra notamment statuer sur l’avenir du nucléaire civil en France.
Les trois thèmes soumis au débat dans cette concertation, qui dépasse largement la seule question du nucléaire, couvre en réalité les principales problématiques de la transition énergétique :

  • Comment adapter notre consommation pour atteindre l’objectif de neutralité carbone ?
  • Comment satisfaire nos besoins en électricité, et plus largement en énergie, tout en assurant la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles ?
  • Comment planifier, mettre en œuvre et financer notre transition énergétique ?


Une occasion rare de faire connaître notre opinion sur la sobriété et l’efficacité énergétique,

l’évolution du mix, l’acceptabilité sociale de la transition…




Annexes

 

1. Principe de décarbonisation de l’énergie et scénario d’évolution du parc nucléaire Français

L’énergie joue un rôle essentiel dans le réchauffement climatique, responsable au global de 73% des émissions de gaz à effet de serre, suivie par l’agriculture avec 18% ([9]). En l’état des technologies, nous disposons schématiquement de 3 leviers pour décarboner notre empreinte énergétique :

  1. Remplacer les énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon) par l’électricité, pour autant que celle-ci soit produite à partir de technologies décarbonées : renouvelable (éolien, solaire, hydraulique, gaz vert) ou nucléaire.
  2. Développer les gaz verts (notamment biogaz issu des déchets organiques -urbains ou agricoles-) et hydrogène vert (issu de l’électrolyse de l’eau en utilisant de l’électricité verte) pour :
    1. convertir des secteurs d’activité difficilement électrifiables [10], et aussi
    2. gérer l’intermittence de certaines sources d’électricité décarbonée renouvelable (éolien, solaire) en stockant l’énergie produite lors de pics de production et creux de consommation.

Ces gaz verts sont maîtrisés dans leur dimension technique mais sont encore peu développés par manque d’ambition et de soutien politique.

  1. La sobriété et l’efficacité énergétique : il s’agit là de modifier nos comportements pour moins consommer d’énergie (arbitrer parmi nos activités en fonction de leur impact environnemental), mais aussi d’améliorer l’efficacité énergétique de nos équipements (consommer moins d’énergie pour un même service).

L’étude « Futurs Energétiques 2050 » [11] menée par RTE [12] et publiée fin octobre 2021 donne des éléments d’analyse qui ont vocation à éclairer la décision publique. La qualité et la profondeur de l’analyse menée par RTE est indiscutable, et, venant d’une filiale d’EDF, ne saurait être taxée d’anti-nucléaire. Les principaux enseignements qui en ressortent sont :

  1. Le développement massif des renouvelables est nécessaire pour l’atteinte d’une neutralité carbone en 2050 dans tous les scénarios (développement très significatif de l’éolien en mer, croissance de l’éolien terrestre plus forte qu’aujourd’hui, explosion du solaire photovoltaïque à un rythme de croissance entre 3 et 5 fois le rythme actuel).
  2. La fermeture et le démantèlement du parc nucléaire actuel est indispensable pour raison de sûreté dans les décennies qui viennent (et au plus tard à l’horizon 2050 -2060).
  3. Pour remplacer à terme le parc nucléaire existant, un scénario d’électricité 100% d’origine renouvelable est réalisable. Les points d’attention dans ce scénario portent sur le développement des moyens de flexibilité pour pallier l’intermittence de certaines sources renouvelables.
  4. Une très forte diminution de notre consommation finale d’énergie (au minimum -40% d’ici 2050) est attendue, incluant sobriété (modification de nos comportements et usages) et efficacité énergétique (consommer moins pour un même usage).

Le parc nucléaire existant : les 56 réacteurs nucléaires français actuels, avec une capacité totale de 60 GW, ont pour l’essentiel été mis en service entre 1977 et 1987. Ces unités, conçues pour fonctionner 40 ans, arrivent donc en limite d’exploitation. Des extensions sont en cours d’étude dans le cadre de prescriptions de sûreté encadrées par l’ASN [13], mais il est généralement admis, y compris par RTE, que les réacteurs ne pourront probablement pas fonctionner plus de 60 ans. On doit donc s’attendre à ce que l’ensemble du parc nucléaire soit mis à l’arrêt avant 2050 pour raison de sûreté.

Des aléas sur le fonctionnement des centrales se manifestent d’ailleurs déjà, conduisant à l’arrêt inopiné de nombreux réacteurs, avec seulement 28 réacteurs en service sur 56 à fin octobre 2022 (de l’ordre de 50% de la capacité de production nucléaire française) : un problème inattendu et encore largement inexpliqué de corrosion sur un système d’injection de sûreté sur le circuit primaire (un dispositif d’une importance cruciale en cas d’accident, s’agissant du refroidissement du cœur du réacteur) a été révélé fin 2021 lors de l’inspection décennale à la centrale de Civaux, puis à Chooz et à Penly. Cette situation conduit déjà à une situation très tendue cet hiver pouvant aller jusqu’à des délestages de courant, et à un manque à gagner considérable pour EDF et donc pour l’Etat Français.

Pour ce qui concerne les nouvelles installations nucléaires, elles devraient représenter suivant les scénarios RTE entre 0 et environ 25 GW en 2050, à comparer aux 60GW de capacité nucléaire actuellement installée. Nous sommes donc bien dans tous les cas de figure à l’aube d’un retrait massif de la part du nucléaire dans la production d’électricité française, celle-ci devrait représenter en 2050 moins de la moitié de la capacité actuelle dans le scénario le plus favorable au nucléaire, le complément étant assuré par les énergies renouvelables.

2. Ce que coûte le nucléaire…

Dans les conclusions de son étude « Futurs Energétiques 2050 », RTE met en avant les scénarios pro-nucléaires ([14]) en raison d’un avantage économique estimé de l’ordre de 10 Milliards d’euros par an par rapport à un scénario 100% renouvelable + gaz vert. Ce chiffrage largement médiatisé repose sur des hypothèses en réalité très discutables : le coût de la production d’électricité à partir de « gaz vert » a été surestimé, les coûts de production nucléaire n’ont pas été mis à jour des dernières révisions à la hausse des hypothèses d’EDF, et surtout, le coût de capital (qui normalement dépend du risque perçu par l’investisseur) a été pris arbitrairement à 4% pour toutes les technologies, alors qu’en réalité (et c’est d’ailleurs de cette façon que procède l’AIE [15] dans ses calculs), le coût de financement du nucléaire est sensiblement plus élevé en raison d’un temps de retour sur investissement extrêmement long (le cycle complet d’investissement typique d’une centrale nucléaire, du premier coup de pioche jusqu’au démantèlement dépasse le siècle). Sachant que le coût du capital pèse pour 50% dans le coût total des projets nucléaires, le renchérissement des taux auxquels on assite actuellement devraient alourdir encore la facture nucléaire. On pourrait également noter, comme le fait la Cour des Comptes, qu’il conviendrait de « mieux prendre en compte les investissements associés à l’aval du cycle du combustible » (renouvellement des installations de la Hague post 2040, deuxième projet CIGEO d’enfouissement des déchets de très long terme…) dans le chiffrage d’un scénario de relance nucléaire. En ramenant toutes ces hypothèses à des valeurs plus justes, nombre de commentateurs et industriels, et pas uniquement des ONG anti-nucléaire, arrivent à une conclusion opposée à celle de RTE, d’un scénario « 100% renouvelable + gaz vert » moins onéreux que l’option nucléaire (de l’ordre de 5Mds€/an).

On peut du reste légitimement s’interroger sur l’indépendance de RTE, filiale d’EDF, pour fournir une analyse totalement impartiale des scénarios d’évolution de notre mix électrique. La Cour des Comptes estimait d’ailleurs dans sa note du 18 Novembre 2021 que « les choix de production électrique auront des conséquences sur plusieurs décennies, rendant nécessaire la tenue d’un débat sur les scénarios énergétiques possibles, sur des bases mieux éclairées notamment par une analyse de coûts. ». Ce débat (concertation nationale sur le système électrique de demain) a lieu maintenant, jusqu’au 18/01/2023, mais le comparatif des technologies et scénarios de déploiement en termes de coûts reste encore à objectiver.

Le coût pour la France de la filière nucléaire est colossale : aux 10 milliards d’euros d’argent public qui ont été nécessaires au sauvetage de la filière entre 2015 et 2017 ([16]), s’ajoutent les surcoûts des chantiers EPR, le coût du projet d’enfouissement des déchets Cigéo (chiffré entre 15 et 44 milliards €) [17] et les 50 milliards d’euros que devrait coûter le « grand carénage » pour prolonger le fonctionnement du parc actuel au-delà de 40 ans. Ces sommes, au total de l’ordre de 100 milliards , ne seraient-elles pas mieux employées pour isoler d’urgence les bâtiments ou développer les renouvelables ?

Jean-François Carenco, alors président de la Commission de régulation de l’énergie, insistait sur ce dernier point quand il dénoncait « tous ceux qui râlent » contre l’éolien et le solaire : « Sur les énergies renouvelables, je pense qu’on ne dit pas assez (…) qu’on est très en retard, on est très très en retard » a-t-il déclaré le 14 Décembre 2021 lors du colloque annuel de l’Union française de l’électricité (UFE) , en expliquant que la tension sur le système électrique liée à l’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire aurait été évitée si la France n’était pas en retard de 3GW dans le développement des énergies renouvelables. La statistique publiée par Eurostat le 19/01/2022 confirme que la France est bien le seul pays Européen en retard sur ses objectifs de développement d’énergie renouvelable.

Ce que coûte l’obsession nucléaire à la France, c’est aussi de passer à côté de la révolution technologique et industrielle des renouvelables. Au début des années 70, la France était à la pointe mondiale de la recherche et développement de l’énergie solaire, avec notamment le four expérimental d’Odeillo dans les Pyrénées. Mais suite au programme électronucléaire lancé en 1974, les pouvoirs publics ont totalement délaissé le développement des énergies renouvelables et la France ne joue désormais aucun rôle industriel dans les filières florissantes de l’éolien et du solaire photovoltaïque, alors que nos voisins européens ont su profiter de ce nouveau marché en hissant notamment deux entreprises dans les 5 premières sociétés mondiales du secteur éolien [18].

3. La part du nucléaire en France et dans le Monde

Avec une part de l’ordre de 70% de l’électricité d’origine nucléaire produite en France, la France détient un record mondial et fait figure d’exception parmi les pays occidentaux comparables, tous beaucoup moins nucléarisés (Corée du Sud 30%, USA 20%, Canada et UK à 15%, Japon 5%) [19]. Aucun pays au monde n’est autant engagé dans le nucléaire civil que la France. Même en ramenant la part du nucléaire à 50%, la France resterait beaucoup plus exposée à cette technologie que le reste de la communauté internationale.

Le Nucléaire au niveau mondial est dans un contexte de déclin :

Selon les analyses de l’Agence Internationale de l’Energie (IEA), le nucléaire n’est pas voué à être l’énergie maîtresse de la transition énergétique : Solaire photovoltaïque et Eolien seront les composantes clés du mix électrique des prochaines années.

4. Le nucléaire comme outil pour gérer l’intermittence des renouvelables…

Dans une perspective où le renouvelable prendra une place dominante dans le mix électrique, la question essentielle est de savoir comment pallier l’intermittence de l’éolien et du solaire photovoltaïque. En effet, le système électrique doit être à chaque instant équilibré entre production et consommation. Or la ressource éolienne connait par nature de très fortes variations (passage de 100% à 0% en quelques heures). Il en est de même pour la ressource d’irradiation solaire, bien que les variations en soient moins violentes et plus prévisibles. Pour maintenir l’équilibre production / consommation, on dispose des moyens suivants :

  1. stockage d’électricité. Pour l’instant, les solutions, essentiellement de type batterie ou bassin de rétention d’eau, restent peu développées en raison de contrainte technique ou par manque d’attractivité économique. Des efforts importants seront nécessaires à courte échéance pour espérer mettre au point et déployer des solutions de stockage d’électricité à grande échelle,
  2. pilotage de la demande consistant à reporter certains usages à des périodes de plus forte production,
  3. renforcement de l’interconnexion électrique entre pays et régions en Europe,
  4. moyens de production décarbonés pilotables (nucléaire ou gaz verts (biogaz et hydrogène)). On présente souvent le nucléaire, supposé être flexible et ajustable à volonté, comme un complément idéal au renouvelable. Mais en réalité, le nucléaire est mieux adapté pour fournir une électricité de base à niveau constant, sans variation rapide dans le temps. C’est donc un outil beaucoup moins adapté à la gestion de l’intermittence de l’éolien que peuvent l’être les gaz verts.

D’autre part, pour pouvoir assurer le complément à la production renouvelable, encore faut-il que le nucléaire soit toujours prêt à fonctionner. On distingue schématiquement deux types de disponibilités qui se combinent :

  1. La disponibilité de la ressource primaire : le minerai d’uranium enrichi peut être considéré disponible à 100% du temps, (même si cette hypothèse pourrait se révéler optimiste en cas de tension sur le marché ou de désorganisation de la chaine d’approvisionnement) ; pour l’éolien, le facteur de charge ([20]) varie typiquement entre 25% et 50% suivant les sites.
  2. La disponibilité technique des installations : les fermes éoliennes ou solaires PV bénéficient d’une très forte disponibilité technique, supérieure à 97% du temps. Par contre, la disponibilité du nucléaire ne dépasse pas dans le meilleur des cas 80% du temps en raison des programmes de maintenance. S’ajoutent à cela les arrêts non-programmés tels que la mise à l’arrêt d’un tiers du parc pendant l’épisode de canicule de l’été 2003 alors que les cours d’eau n’étaient plus en mesure de refroidir les centrales, ou plus récemment avec la mise à l’arrêt de 50% du parc nucléaire installé suite aux défauts de corrosion identifiés sur les systèmes de sécurité du circuit primaire (cœur radioactif du réacteur).

La combinaison de ces deux facteurs montre que la disponibilité effective du nucléaire n’est pas assurée, ceci en raison de maintenance programmée et d’un risque technique plus aléatoire (défaut de série, réchauffement des sources froides…). L’aléa sur la production nucléaire est donc bien réel, même s’il est de nature différente de celui que connait le renouvelable éolien et solaire.

5. Maintien des compétences

Pour l’exploitation des centrales : Contrairement à toute autre source d’énergie, le nucléaire nécessite, pour rester sous contrôle, de maintenir une intervention humaine en continu sur le process : on ne peut pas arrêter une centrale nucléaire en appuyant simplement sur le bouton « on/off » comme on peut le faire d’une ferme éolienne ou solaire : il faut contrôler l’inhibition de la réaction nucléaire et maintenir le refroidissement des matières radioactives. L’accident de Fukushima donne une illustration de l’impact d’un désordre exogène majeur (le raz de marée) sur une centrale nucléaire. Dans un contexte de désordre climatique grandissant (dôme de chaleur, sécheresse, inondation…), qui peut prétendre que nous serons toujours à même dans les décennies qui viennent d’assurer en permanence et à tout instant la bonne gestion technique des sites ?

Pour la construction de nouvelles unités

Le tableau ci-dessous dresse le bilan des projets d’EPR en cours, par ordre chronologique (source : Cour des Comptes, rapport sur la filière EPR, Juillet 2020)


 

Coût initial

Durée initiale

Coût réévalué

Durée réévaluée

Okiluoto (Finlande)

(1 unité en construction)

1,7 Mds €

4 ans

7,5 Mds €

(x4,4)

17,5 ans

(x4,4)

Flamanville (France)

(1 unité en construction)

3,5 Mds €

4,5 ans

12,7 Mds € [21]

(x3,5)

15,5 ans

(x3,4)

Taishan (Chine)

(2 unités en service)

60 Mds yuan

4 ans

95 Mds Yuan

(x1.6)

9 ans

(x2,25)

Hinckley Point[22] (UK)

(2 unités en construction)

18 Mds £

6 ans

22,5Mds £

(x1,25)

7,5 ans

(x1,25)

Le fiasco technique des EPR est retentissant. Il démontre l’ampleur de la perte de notre savoir-faire technique en l’espace d’une ou deux décennies. La Cour des Comptes, dans son rapport de Juillet 2020, estime que « la filière a fait preuve d’une trop grande confiance en elle » fustigeant EDF pour le défaut d’organisation du suivi de projet et les autorités de surveillance (conseil d’administration et ministère de tutelle) pour leur manque de vigilance. S’agissant de la filière nucléaire, ce constat a de quoi faire réfléchir : cette perte de professionnalisme s’appliquant ici à des projets en construction, sa conséquence n’est pour l’instant que financière, mais imaginons un instant qu’un tel laxisme s’étende dans l’exploitation des centrales…

La mise en service d’Okiluoto en Finlande a été encore repoussée à début 2023 suite à la découverte de dommages sur des pompes d’alimentation en eau. Le seul EPR en exploitation au monde est en Chine. La première tranche (Taishan 1) a dû être arrêtée en juillet 2021 en raison d’une émanation gazeuse radioactive inexpliquée dans le circuit primaire. En Novembre, la CRIIRAD [23] annonçait que l’incident était dû à un défaut de conception de la cuve, confirmé depuis par l’IRSN [24] : « la circulation de l’eau sous pression ne s’y passe pas comme prévu et entraîne des vibrations qui usent précocement les assemblages de combustible ». Un défaut de conception qui pourrait compromettre encore davantage les chantiers EPR en cours. L’unité a été remise en service en aout 2022.

Notons qu’avec un budget de 19 milliards € qu’aura coûté l’EPR de Flamanville pour une puissance électrique de 1650 MW, il aurait été possible de construire une puissance éolienne de plus de 19 000 MW, équivalent à une production de 36TWh/an [25] contre 11,2TWh/an avec l’EPR… D’après ce calcul, un euro investi dans le renouvelable plutôt qu’à Flamanville aurait été 3 fois plus efficaces pour lutter contre le changement climatique, sans compter les coûts de démantèlement et de gestion des déchets.

La capacité du nucléaire d’être une réponse au réchauffement climatique se heurte aussi à un problème de temps : la longue durée de construction d’une centrale et le temps nécessaire à reconstituer une expertise technique montrent que le nucléaire ne saurait répondre à l’urgence de la transition nécessaire [26].

6. L’origine du combustible nucléaire

Contrairement au renouvelable, une fois construite, la centrale nucléaire nécessite pour son fonctionnement un approvisionnement en minerai d’uranium. La France n’est plus productrice d’uranium depuis qu’elle a fermé sa dernière mine en 2003. Se crée ainsi une dépendance envers les pays fournisseurs. Dans un contexte où certains pays dirigistes comme la Chine et l’Inde semblent partis pour développer leur parc nucléaire à grande échelle (14 réacteurs en construction en Chine), et où le volume des ressources mondiales exploitables reste incertain, une tension sur l’accès au minerai pourrait intervenir.

L’uranium importé en France par Orano (ex-Areva) entre 2005 et 2020 avait pour origine le Kazakhstan (20%), l’Australie (19 %), le Niger (18 %), l’Ouzbékistan (16%) et la Namibie (12%). ([27]).

7. La gestion des déchets nucléaires

Après exploitation, les déchets radioactifs ultimes (certains actifs pour des centaines de millénaires) ne font toujours pas l’objet d’une solution de long terme, et sont pour le moment stockés dans des piscines devant être refroidies en permanence. Le projet d’enfouissement de déchet Cigéo à Bure (entre Saint-Dizier et Nancy) actuellement à l’étude est l’objet de très fortes controverses. Outre la faisabilité technique, celle de son acceptabilité sera cruciale : peut-on imaginer que les communautés locales qui se montrent de plus en plus réticentes à l’installation de fermes éoliennes ou photovoltaïques pourraient accepter d’accueillir un site d’enfouissement de déchets irradiés, considérant les risques potentiels de contamination à long terme (incendie, diffusion dans les nappes phréatiques…) ? En attendant, l’accumulation des déchets dans les piscines pose un risque de saturation. L’ASN a d’ailleurs mis en garde la filière nucléaire dans son rapport de 2020, en soulignant « qu’à défaut de décision prise dans les cinq prochaines années, aucune filière de gestion ne sera opérationnelle dans les 20 ans qui viennent. Les besoins capacitaires de stockage des déchets ne seront donc pas assurés ». L’ASN a encore récemment confirmé « sa préoccupation concernant la dégradation rapide des marges disponibles dans les entreposages à La Hague » ([28]) dans un courrier du 28 septembre 2021. En effet, l’usine de retraitement du combustible de Marcoule connaissant des difficultés, le combustible est moins retraité et donc s’accumule davantage dans les piscines de La Hague. En l’absence de capacité de stockage suffisant, une saturation des piscines de la Hague pourrait bloquer progressivement les réacteurs français.

L’ASN poursuit : « L’entreposage [comme actuellement dans des piscines] de longue durée ne peut pas constituer une solution définitive pour la gestion des déchets à haute activité à vie longue. Il suppose en effet le maintien d’un contrôle de la part de la société et la reprise des déchets par les générations futures, ce qui semble difficile à garantir sur des périodes de plusieurs centaines d’années. »

Depuis plus de 50 ans que la question de la gestion des déchets nucléaires a été posée, peut-on accepter de relancer le nucléaire sans qu’une solution pérenne opérationnelle n’ait encore été mise en œuvre ?

8. Autres risques spécifiques du Nucléaire

Accident

Alors que le message officiel accompagnant le déploiement du programme électronucléaire en France dans les années 70 expliquait que le risque d’un accident majeur était de l’ordre de l’impossible, nous savons maintenant avec 50 ans de recul que ce n’est pas le cas. Deux accidents [29] de fusion nucléaire ont déjà eu lieu en France en 1969 et 1982, à la centrale de Saint-Laurent des Eaux, avec rejet d’élément radioactif (plutonium) dans l’environnement (vallée de la Loire) ([30]). Les accidents de Three Miles Island (US), Tchernobyl et Fukushima, pour ne parler que des plus retentissants, nous montrent que les incidents et les accidents arrivent, régulièrement, y compris dans des pays occidentaux à forte culture technique.

Même l’ASN reconnaissait dans son rapport de 2013 que « des événements aux conséquences de grandes ampleurs, comme ceux de Fukushima, peuvent se produire en France. La persistance d’incidents significatifs appelle à maintenir la vigilance vis-à-vis du risque d’un accident grave toujours possible. »

Nous ne sommes donc pas à l’abri d’un accident majeur. Nos sociétés connaissent des périodes de croissance et d’autres de régression, ces dernières pouvant créer les conditions d’un accident (cf. Tchernobyl dans le contexte d’effondrement du bloc soviétique). S’ajoute à cela une tendance naturelle à s’habituer au risque et diminuer l’exigence de prévention (cf. l’accident de Fukushima qui résulte en réalité non d’une fatalité mais d’une accoutumance à un risque connu et documenté). Enfin, la « consanguinité » au sein de la petite population d’experts techniques fait toujours craindre, même avec l’existence d’une autorité indépendante de sûreté nucléaire (ASN), un fonctionnement basé sur l’ « entre-soi ». Le facteur humain reste donc bien porteur de risque à plus ou moins long terme.

Risque lié au manque d’anticipation et au retard d’investissement

Face à l’incertitude sur la disponibilité technique du parc nucléaire actuel et du retard chronique pris dans la création de nouvelles capacités de production d’électricité en France, l’ASN insiste sur l’importance de maintenir des marges dans le dimensionnement du système électrique français afin d’éviter la concurrence des enjeux de sûreté et d’approvisionnement électrique, et estime que « la poursuite de fonctionnement des réacteurs nucléaires ne doit en aucun cas résulter d’une décision subie au regard des besoins électriques, ou hasardeuse en matière de sûreté ».

Le lien avec le militaire et le risque de dissémination

La maîtrise du nucléaire civil peut déboucher sur un usage militaire : il permet d’acquérir une expertise technique et surtout de développer une capacité à enrichir l’uranium, étape cruciale dans la fabrication d’une bombe. Le combustible d’une centrale est un uranium enrichi entre 3 et 5%, celui d’une bombe est enrichi à 80-90%. Pour se prémunir du risque de dissémination de l’arme nucléaire, les traités prévoient qu’un pays qui développe du nucléaire civil ne doit pas réaliser lui-même l’enrichissement du combustible. Or, nous savons que l’Iran refuse de s’appliquer cette contrainte et annonce avoir atteint un taux de 60% d’enrichissement. D’autres pays du Moyen-Orient tels que Jordanie, Arabie Saoudite, Égypte se sont également engagés dans cette voie ([31]). Comment ne pas s’inquiéter d’une telle dérive pouvant aboutir, notamment au Moyen-Orient, à la dissémination de l’arme nucléaire, quand on sait que la dissuasion ne repose finalement que sur un pari, celui de la rationalité d’un agresseur éventuel ? Les risques de déclenchement de conflit nucléaire par accident non volontaire se trouvent également augmentés par la multiplicités des acteurs nucléarisés. Enfin, le déploiement du nucléaire civil et militaire nous rend également vulnérables à une attaque terroriste utilisant des matières radioactives.


[1] Scientifique américain, expert mondialement reconnu de l’efficacité énergétique, Amory Lovins a été lauréat en 1983 du « Right Livelihood Award »  – considéré comme un « prix Nobel » alternatif pour l’environnement et la justice sociale.

[2] Le mix électrique est l’ensemble des moyens de production par technologie mis en œuvre pour produire l’électricité ; En 2020, le mix, exprimé en quantité d’électricité produite, se répartit comme suit : Nucléaire 67%, Hydraulique 13%, Éolien 8%, Gaz/Charbon 7%, Solaire 3%, Biomasse-Biogaz 2%.

[3] Concertation nationale sur le système énergétique de demain jusqu’au 18/01/2023 : « Notre avenir énergétique se décide maintenant » https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/

[4] L’article du Monde publié le 28/06/2022 (disponible sur demande) sous le titre « Derrière l’opposition aux éoliennes, une galaxie influente et pronucléaire » explique en détail comment une partie de la haute fonction publique, mobilisant de puissants réseaux d’influence touchant jusqu’au sommet de l’Etat, a réussi à opérer un retournement de l’opinion publique Française et du gouvernement en faveur du Nucléaire, en décrédibilisant la filière renouvelable, grâce à des opérations de communication associant de nombreuses personnalité plus ou moins connue du grand public, à l’instar de Jean-Marc Jancovici, « caution scientifique du mouvement anti-éolien ».

[5] dito

[6] Cette large fourchette s’explique notamment par la forte sensibilité du nucléaire au coût du capital et par l’incertitude sur les coûts de gestion de la fin du cycle (démantèlement, de décontamination et de stockage des déchets ultimes).

[7] C Lepage, Le Monde du 19/11/2022.

[8] Ce scénario est en ligne avec le programme d’EELV : « Les réacteurs actuels seront fermés au fur et à mesure de leur obsolescence, dont une dizaine d’ici 2035, tout en garantissant la sécurité des installations et la continuité des approvisionnements en électricité. Nous soutiendrons l’innovation pour trouver des solutions à la gestion des déchets et développerons une filière d’excellence dans les métiers du démantèlement.

[9] https://www.visualcapitalist.com/cp/a-global-breakdown-of-greenhouse-gas-emissions-by-sector/

[10] Quand on ne parvient pas à remplacer le gaz naturel fossile par de l’électricité sur un process industriel, on pourra le remplacer par du gaz vert.

[11] RTE – Futures énergétiques 2050. Les autres études de référence sont pour la France celle de l’ADEME (https://transitions2050.ademe.fr/) et de négaWatt (https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2022), toutes deux se montrant plus favorables à un scénario 100% renouvelable + gaz vert.

[12] RTE est une filiale d’EDF crée en juillet 2000, en charge de la gestion du réseau de transport d’électricité Haute Tension en France. C’est un monopole naturel, dans la chaîne de valeur électrique, alors que la production et la commercialisation sont ouverts à la concurrence. Il est le garant du bon fonctionnement et de la sûreté (équilibre) du système électrique français.

[13] ASN : Autorité de sûreté nucléaire, autorité administrative indépendante créée en 2006. Elle est chargée de contrôler les activités nucléaires civiles en France.

[14] Scenario N2 avec 22 EPR en 2060.

[15] AIE : Agence Internationale de l’Énergie

[16] 4,5 milliards d’euros pour financer l’opération de sauvetage d’Areva (rebaptisée Orano depuis), 3 milliards d’euros injectés dans le capital d’EDF, et plus de 2 milliards d’euros de manque à gagner pour l’État à partir du moment où il a renoncé à prélever ses dividendes en tant qu’actionnaire majoritaire à 83% d’EDF.

[17] Cf. la tribune du 14/10/2021 dans le Monde de Émilie Cariou, députée (ex-LRM) de la Meuse, corapporteuse du Plan national de gestion des déchets et des matières radioactifs.

[18] Vestas (Danemark) et Siemens-Gamesa (Allemagne).

[19] Certains pays industrialisés sont aussi en cours de sortie du nucléaire (Allemagne, Suisse, Belgique), alors que d’autres pays en sont déjà sortis ou n’y ont jamais eu recours (Australie, Autriche, Italie, Québec, Asie du Sud-Est…).

[20] C-à-d le rapport entre la production réelle et la production maximale possible dans une année.

[21] Flamanville : ce bilan est encore susceptible de s’aggraver, la Cour des Comptes prévoyant d’ores et déjà des coûts complémentaires d’ordre financier pour l’essentiel, de l’ordre de 6,7Md€ (soit un total de 19Md€).

Extrait du rapport de la Cour des Comptes sur la filière EPR : « Le projet de Flamanville 3 […] a été mal piloté par un maître d’ouvrage qui n’était pas organisé pour le faire, sans que les administrations ne réagissent lorsque cela eut été nécessaire. EDF aussi bien que les administrations de tutelle n’avaient pas conscience de la perte de compétence technique des industriels de la filière. Il en est résulté des adaptations très nombreuses du projet au fur et à mesure des problèmes rencontrés, de graves défauts de construction rendant nécessaire la reprise de l’ouvrage, des délais et des coûts supplémentaires. Le maître d’ouvrage [EDF] a parfois cherché à justifier les écarts auprès de l’autorité de sûreté plutôt qu’à les faire disparaître en refaisant le travail. Cette démarche a entraîné un allongement considérable des délais de traitement des soudures défectueuses sur le circuit principal secondaire. »

En janvier 2022, EDF a annoncé un nouveau report de la date de chargement du combustible au deuxième trimestre de 2023, contre fin 2022 auparavant, ainsi qu’une nouvelle hausse du coût à terminaison du projet, qui passe de 12,4 milliards à 12,7 milliards d’euros. En Décembre 2022, EDF vient encore de décaler la date de chargement du combustible à début 2024, pour un surcout supplémentaire de 500 million d’euros.

[22] La décision en 2016 d’investir dans le projet a été prise par EDF dans la tourmente, le projet étant vivement critiqué en interne tant par les syndicats que par le management lui-même, le Directeur Financier ayant décidé de démissionner considérant que le risque était trop important pour le groupe EDF. Le projet bénéficie d’un contrat de prix garanti sur 35 ans octroyé par les autorités britanniques à un niveau inédit de 92,5£/MWh, que l’on peut comparer, à titre d’exemple, aux 70£/MWh garanti à 11 projets d’éolien en mer en 2017, pour une mise en service s’étalant jusqu’à 2023. La Cour des Comptes nous apprend d’ailleurs que « la commission aux comptes publics de la chambre des communes considérait dans un rapport déposé en novembre 2017 que […] de nouvelles technologies d’énergies renouvelables sont désormais meilleur marché que le nucléaire et elle proposait de geler tout nouveau projet de centrale en attendant la réévaluation de la stratégie du gouvernement sur le nucléaire. »

[23] La CRIIRAD – Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité – est une association indépendante, créée en mai 1986  au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, à l’initiative d’un groupe de citoyens souhaitant connaître la vérité sur la contamination réelle du territoire français. Disposant de son propre laboratoire, elle a pour mission de contrôler la radioactivité de l’environnement, d’informer le public en décryptant les informations officielles et de favoriser la protection des populations.

L’IRSN – Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire –  est un établissement public sous la tutelle des ministères de l’écologie, de la recherche, de l’énergie, de la santé et de la défense, expert en matière de sûreté nucléaire. L’ASN utilise l’expertise de l’IRSN dans l’exercice de ses missions de contrôle. 

[24] Cf « Le Canard Enchaîné » du 19 Janvier 2022

[25] Soit 6% de la consommation d’électricité Française en 2050

[26] Rappelons à ce titre que les politiques climat en France (de même que le rapport RTE) restent calées sur un objectif de réduction de 40% des Gaz à Effets de Serre d’ici 2030, alors que l’Union Européenne a renforcé en 2020 cet objectif à un niveau de 55%, en cohérence avec les accords de Paris. ([26]) Il faudra donc en France prévoir une transition plus rapide qu’actuellement prévu par les autorités.

[27] Les chiffres concernant l’origine de l’uranium effectivement utilisé par EDF dans ses centrales ne sont quant à eux pas publics, sachant qu’un commerce de l’uranium enrichi a lieu entre les pays producteurs (Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne Russie, Japon et Etats-Unis).

Source : « L’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire : un tour de passe-passe statistique » Le Monde publié le 24/01/2022 ; Comité technique Euratom.

[28] Sud ouest, publié le 28/10/2021.

[29] L’ASN qualifie « d’incidents » les événements sans conséquences sur les populations et l’environnement, et qualifie « d’accidents » les événements graves.

[30] Accidents en France dans les anciens réacteurs A1 et A2 de Saint-Laurent (asn.fr).

[31] À écouter pour plus de détail dans Géopolitique sur France Inter : Nucléariser le Moyen-Orient (franceinter.fr)


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