De quoi s’agit-il ?

 

Les POP (Polluants Organiques Persistants), aussi appelés polluants éternels, sont des substances chimiques toxiques et très stables. Elles s’accumulent dans les tissus vivants car elles ne sont pratiquement pas éliminées et leur quantité s’accroît tout au long de la chaîne alimentaire.

Il en existe toute une collection : les dioxines (PCDD), les furanes (PCDF), des polychlorobiphényles (PCB-DL[1]) ainsi que des substances perfluoroalkylées (PFAS)[2].

Dans cet article lorsque nous parlerons de taux de dioxine il s’agira d’un taux équivalent (TEQ) : les composés pèsent différemment en fonction de leur toxicité (soit un principe voisin de celui adopté pour le CO2 ou l’on parle « d’équivalent CO2 » pour différents gaz à effet de serre).

En matière de toxicité les effets de ces POP sont nombreux avec une prédilection pour les cancers, les déficiences du système immunitaire en passant par les troubles du développement, du comportement…

Pour ce qui est de leur stabilité, certaines substances auraient des demi-vies dans l’organisme d’au moins 7 ans (période après laquelle seule la moitié de ces toxines ont disparu). Cette longue durée de vie leur permet de voyager sur de longues distances, raisons pour lesquelles elles s’accumulent dans l’environnement, par exemple dans les sédiments marins.

Et vous vous en doutez, ces POP sont produits très majoritairement par l’activité humaine : dans les incinérateurs, mais aussi par l’industrie métallurgique et chimique, la combustion de bois et de charbon, les moteurs thermiques…

Pour conclure cette introduction, une bonne nouvelle : le taux de dioxine dans l’environnement est en baisse[3],[4]  depuis le milieu des années 1990 grâce à une meilleure maîtrise de procédés d’incinération et de procédés industriels (qui sont soumis à des normes plus strictes). Malheureusement ce n’est pas le cas pour les produits de la mer dont le taux de dioxine reste à peu près constant (la mer dispose de « réserves »).

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[1] PCB-DT pour PCB de type dioxine (ayant des propriétés voisines et donc une toxicité voisine de celle des dioxines)

[2] La liste est susceptible d’évoluer puisque dans les années 2000 il n’était pas encore ou peu question de PFAS

[3] https://www.anses.fr/fr/system/files/RCCP-QR-Dioxines.pdf

[4] https://www.anses.fr/fr/system/files/RCCP-Ra-DixionesPCB.pdf

Qui est exposé et comment ?

 

Tout le monde est exposé car tout notre environnement est pollué (des dioxines ont été trouvées dans les neiges de l’Everest) et plus de 90% de la contamination humaine passe par l’alimentation, principalement la viande ou plus précisément les graisses qu’elle contient, les produits laitiers, les œufs et les produits de la mer.
Le graphique ci-dessous indique quels types d’aliments sont à l’origine des POP stockés dans nos organismes :


Contribution des différents aliments à l’exposition aux dioxines
(Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Afssa, 2000[5])

Vous serez d’autant plus exposé.e que vous consommerez des aliments produits près des sources de pollution, donc en milieu urbain et périurbain, sachant cependant qu’il est moins risqué de consommer des légumes et des fruits urbains que des produits d’origine animale.
En ce qui concerne les produits de la mer, la provenance importe peu car les sédiments qui sont la base de la chaîne alimentaire marine sont durablement contaminés.

Les fœtus et les jeunes enfants sont a priori plus exposés que les adultes car leur développement peut être perturbé.

À partir de quel seuil est-ce dangereux ?

Quels sont les seuils de dangerosité ?

La réponse à cette question est un casse tête, mais une bonne base semble être le Règlement (UE) 2023/915. Il fixe les teneurs maximales de différents produits toxiques par type d’aliment, dont les « dioxines et PCB » et les « substances perfluoroalkylées » (ou PFAS).

Pour les dioxines et PCB ces seuils varient de 0,5 à 20 picogrammes/gramme[6] (pg/g) selon le type d’aliment avec un seuil plus bas de 0,2 pg/g pour les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge[7].
Les produits les plus contaminés (sur lesquels on « tolère » les seuils les plus élevés), sont les graisses, les produits laitiers, les œufs et surtout les produits de la mer (sachant que pour ces derniers les seuils sont donnés sur la chair et non sur la graisse).
On notera que les seuils sont généralement plus élevés pour les animaux sauvages (a priori plus exposés que des animaux d’élevage qui ne vivent pas en permanence en plein air et dont l’alimentation est plus contrôlée).

Pour les substances perfluoroalkylées les seuils sont fournis en µg/kg ou nanogrammes/gramme[8] (ng/g), soit 1000 fois plus que des pg/g, unité utilisée pour les dioxines et PCB. Les seuils varient entre 1,3 et 50 ng/g.
Une étude très récente relayée par Le Monde montre que certaines de ces substances sont cancérigènes et que les seuils définis par l’UE sont environ « cent fois moins protecteurs que ceux calculés par l’Agence de protection de l’environnement américaine ».

Comment est calculée cette dangerosité ?

Les agences sanitaires[9] procèdent à des études, souvent appelées « études de risques » pour évaluer les effets de substances toxiques ou présumées toxiques. Ces études sont complexes car après exposition une maladie peut mettre longtemps à se déclarer, les facteurs déclenchants sont multiples (nous sommes porteu.ses.rs de nombreuses toxines) et le dosage des toxines n’est pas toujours facile.
L’analyse de populations très exposées, à la suite d’accidents (Seveso), du fait de leur métier ou leur lieu de vie, permet cependant de tirer des conclusions plus rapides que l’analyse d’une population « moyenne ».

Une étude publiée en 2000 estime que pour une exposition de 1 pgTEQ/kg/jour (soit 70 pg quotidiens si vous pesez 70 kg) vous avez entre une « chance » sur 100 et une sur 1000 de développer un cancer au cours de votre vie. Pour schématiser vous auriez dans ce cas à peu près autant de chance de développer un cancer à cause des POP que de mourir d’un accident de la route.
Difficile d’être plus précis car d’autres textes (1998) prétendent que cette exposition « exclut tout risque pour la santé publique ».
La situation reste donc assez floue et nous n’avons pas trouvé d’éléments plus probants dans des études récentes, si ce n’est un rapport d’expertise de 2018 qui conseille de diviser par 7 les seuils de dangerosité définis en 2001[10] pour les dioxines et PCB (ce qui a notre connaissance n’a pas été pris en compte dans le règlement européen évoqué plus haut).

L’exposition moyenne était estimée à 1,3 pgTEQ/kg/jour en 2000 et 0,5 pgTEQ/kg/jour en 2005 (donc en baisse) et elle a priori encore un peu baissé depuis, mais il existe des disparités importantes entre populations.

Nous n’avons pas trouvé de mesure du taux de dioxine présent dans un échantillon d’individus, en revanche des mesures ont été réalisées sur du lait maternel aux Pays-Bas (publication de 2017) : 25 à 155 pg/g avec une valeur moyenne de 60 pg/g pour les matières grasses, soit une moyenne de 2,4 pg/g pour le lait.
Pour mémoire le taux maximum pour les denrées alimentaires destinées aux nourrissons défini dans le Règlement (UE) 2023/915 est de 0,2 pg/g.

Où il est question d’œufs

Les œufs sont de bons marqueurs pour caractériser la pollution de l’environnement (les œufs et le lait sont pratiquement les seuls moyens pour un organisme de se débarrasser des POP qu’il a accumulés).

Il y a quelques semaines l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France a maintenu sa recommandation de ne pas consommer les œufs de poulaillers domestiques de l’agglomération parisienne. En effet plus de 90 % des œufs analysés présentes un taux de dioxine supérieur à celui autorisé.

Pour plus détail voir l’article du Monde : En Ile-de-France, la contamination des œufs révèle la pollution généralisée aux dioxines et aux « polluants éternels » (lemonde.fr).

Que pouvons-nous y faire ?

Malheureusement, une fois les produits ingérés, nous ne pouvons plus y faire grand-chose. En revanche nous pouvons limiter la consommation des produits les plus exposés, surtout des graisses.
Difficile d’être plus précis car les informations dont nous disposons traitent de catégories de produits avec au sein de chaque catégorie des disparités comme en témoignent les publications récentes sur les œufs en Île-de-France.

Le choix de votre lieu de vie[11] a également un impact, mais fuir les abords des incinérateurs et de certains sites industriels ne risque-t-il pas de provoquer une baisse du prix de l’immobilier voisin qui accueillerait alors une population moins favorisée…

Reste l’action associative et politique pour pousser les autorités à plus de transparence et pour les encourager à continuer à prendre des mesures telles celles qui ont permis de réduire les rejets des incinérateurs et de certaines industries.

S’informer régulièrement permet également d’adapter son comportement à la situation et nous espérons que cet article y contribue. N’hésitez pas à cliquer sur les liens présents dans ce texte pour vous en savoir plus.

Le danger ultime qui pourrait mettre les produits biologiques à mal serait de conclure qu’il faudrait privilégier la consommation de poulets, d’œufs et de viande élevés en batterie et non en plein air. Ce sujet a déjà fait débat
À termes les fermes seront-elles transformées en usines ?
Nous n’en sommes pas là mais le risque existe si nous ne maîtrisons pas mieux notre pollution.

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[5] Étude assez ancienne mais nous n’avons pas trouvé de données plus récentes

[6] Pico signifie 10-12,  soit un millionième de millionième)

[7] Ces seuils ne traduisent pas des dangerosités différentes, mais tiennent compte d’un état de fait (et peut-être des habitudes de consommation ?)

[8] Nano signifie 10-9,  soit un millième de millionième)

[9] Par exemple l’OMS, l’EFSA pour l’Europe ou l’ANSES (Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) pour la France

[10] Des études montrent que ces produits sont actifs pour des doses plus faibles qu’estimé précédemment

[11] On peut lire l’article du monde « Des niveaux de dioxines « exceptionnellement élevés » autour de l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII »

 

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