Les épisodes de gel que connaît la France et l’Europe en ce début avril vont avoir des conséquences très néfastes sur la production à venir de vignes, arbres fruitiers et autres céréales. Qui ne s’est pas demandé si cet épisode était réellement lié au changement climatique ? Comme pour beaucoup d’évènements climatiques, il est toujours difficile de savoir s’il s’agit d’un aléa normal ou s’il est déjà la conséquence du dérèglement climatique en cours.

La réponse apportée par Hervé Quénol, directeur de recherche au CNRS dans les colonnes de « libération » (édition du 9 avril 2021) est particulièrement éclairante : la fréquence de plus en plus élevée de gel destructeur des cultures n’est pas dû à des phénomènes de gel plus violents ou plus tardifs, mais à une « reprise d’activité de la végétation plus précoce ». En effet, les températures particulièrement clémentes enregistrées fin mars (l’indicateur national quotidien de température maximale a établi deux jours de suite un nouveau record absolu, à 24°C les 30 et 31 mars) ont poussé les cultures à bourgeonner plus tôt dans la saison, bien avant que les risques de gel ne soient passés. On constate maintenant, selon les années, jusqu’à « deux semaines d’avance par rapport à la moyenne des dernières décennies » nous dit Hervé Quénol.

Les moyens de protection disponibles, pas tous vertueux quant à leur bilan carbone, paraissent bien dérisoires et montrent notre vulnérabilité aux dérèglements de la nature : bougies de paraffine ou chaufferettes au fuel disposées dans les vignobles, aspersion d’eau pour recouvrir le bourgeon de glace et le protéger ainsi de température négative, ou encore le brassage d’air pour récupérer à l’aide de grands ventilateurs la chaleur des couches d’air en altitude. Certains vignobles, parmi les plus fortunés, utilisent même des hélicoptères pour réaliser ce brassage ! Bel exemple d’un de ces cercles vicieux appelés par les scientifiques « boucles de rétroaction positives » : pour s’adapter au changement climatique, l’agriculteur augmente son empreinte carbone et causera ainsi, in fine, une aggravation du phénomène dont il cherche à se prémunir.

Le gouvernement a déjà promis « des enveloppes exceptionnelles » pour aider les agriculteurs. Les professionnels, qui chiffrent les pertes à plusieurs milliards d’euros, suggèrent même des solutions inspirées des « aides Covid » en assimilant l’effondrement de la production agricole dans certains secteurs cette année à la fermeture administrative des restaurants, avec l’idée de créer « une sorte de fermeture administrative, mais pour raison climatique » (« Les Échos » du 11 avril). Parler de « fermeture de l’agriculture pour cause de dérèglement climatique » en dit long sur l’ampleur de la crise à venir.

Cet exemple nous donne une parfaite illustration des conséquences tangibles de l’inaction climatique. La mise en œuvre d’une vraie maîtrise de nos émissions de gaz à effets de serre, toujours remise au lendemain dans notre société de consommation court-termiste, n’est plus une option. C’est une nécessité. Une urgence.

 

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