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La question climatique est une bombe à retardement et chacun essaie de faire sa part. À la maison nous pensons avoir fait pas mal d’effort. Je n’ai plus de voiture et circule à vélo, à pied ou en transports en commun, pas de viande rouge, presque zéro déchet, des achats de seconde main, etc. Lorsque l’opportunité de participer à un atelier 2 tonnes s’est présentée, je me suis précipité pour savoir où j’en suis en matière de bilan carbone et voir comment faire pour arriver à faire mieux. Objectif : ne pas émettre plus de 2t d’équivalent CO2 par an et par personne à l’horizon 2050.

Pourquoi ce chiffre ? Mère nature absorbe 2 tonnes de CO2/an, ce qui doit nous aider grandement à arriver à zéro émission nette en 2050, et bingo ! On aurait ainsi fait notre part pour respecter les accords de Paris. Ces deux tonnes absorbées gratuitement par la nature sont réparties entre 1t/personne qu’absorbent les océans (en gros 8 milliards de tonnes pour 8 milliards d’habitants sur la planète) et 1t qu’absorbent les forêts françaises (environ 60 millions de tonnes/an pour 60 millions d’habitants). Ceci n’est pas aussi précis que ça, mais cette définition de la barre de 2t à atteindre et les simulations de cet atelier « 2 tonnes » sont surtout intéressantes pour nous guider dans nos façons de vivre.

Pour tout dire, j’étais assez fier de mon mode de vie et les questions préliminaires à l’atelier m’amenaient entre 5 à 6 tonnes d’équivalent CO2/an. Le jour de l’atelier, nous étions une dizaine. Les scores initiaux m’ont fait voir qu’il n’y avait pas lieu d’être si fier que ça car, à part un gars qui prenait souvent l’avion et atteignait 14 tonnes, les autres participants se trouvaient aux environs de 6 tonnes. Une jeune mère de famille, venue avec son vélo familial (deux places sécurisées à l’arrière pour les enfants), était en-dessous des 5 tonnes.

La simulation faite en fonction de changements apportés à nos modes de vie se fait en cinq étapes de cinq ans chacune, où en principe on voit notre bilan carbone baisser (ou pas). Le gars parti à 14 tonnes, a presque rejoint les autres au moment où on a voté l’interdiction des liaisons aériennes pour lesquelles il existe une ligne de train faisant le même trajet en moins de trois heures et demie. À la fin de l’exercice, en 2050, Il est arrivé très près des autres, à 2,5 tonnes. Personnellement, j’étais déçu d’arriver à 2,2 tonnes et donc de rater la cible, c’était à peine mieux que la moyenne des participants. Mais la mère de famille est restée la meilleure avec 1,9 tonnes !

La conclusion qui s’impose est qu’il est tout à fait possible pour quelqu’un qui fait des efforts dans une société qui change ses modes de vie et régulations en conséquence, d’atteindre un seuil proche de 2 tonnes. Ce ne semble pas trop difficile d’arriver à 2,5 tonnes, mais vraiment difficile de passer sous la barre des 2 tonnes et quasiment impossible d’atteindre 1,5 tonnes, du moins dans une société comme la nôtre.

MAIS

Les inventaires forestiers ont récemment montré que le puits de carbone des forêts françaises s’est effondré et n’est plus que la moitié de ce qu’il était lorsque l’objectif de 2 tonnes a été défini.

Ainsi, pour arriver à zéro émission en 2050, il nous faudrait à présent atteindre, non plus 2 tonnes mais 1,5 tonnes, car les forêts sont en train de nous faire défaut. Et ceci rendrait impossible d’atteindre zéro émission tant qu’on n’a pas récupéré le puits de carbone

D’où vient cet effondrement ? Il y a deux facteurs principaux :

  • Le réchauffement climatique et ses multiples effets : la diminution de l’accroissement naturel et l’augmentation de la mortalité des arbres ; cette mortalité a doublé ces dernières années et vient aussi d’attaques parasitaires (chalarose du frêne, encre du châtaignier, scolytes pour les épicéa, etc.) et à l’aggravation des incendies qui, sont en grande partie des conséquences du réchauffement climatique.
  • Le facteur le plus important est l’intensification de l’exploitation qu’a demandé l’Etat pour toutes les forêts de l’hexagone. Un arbre coupé ne contribue plus au puits de carbone de sa forêt. De plus, certains gestionnaires, comme l’ONF, coupe autant de bois en une année qu’il en pousse naturellement et la plus grande partie de ce bois coupé est rapidement brûlé. Le puits de carbone résultant est pratiquement nul.

Il semble qu’une réduction de moitié des coupes actuelles nous restituerait le puits de carbone que nous fournissaient gratuitement les forêts il y a dix ans. La période COVID sans coupe n’a fait remonter le puits de carbone que de façon éphémère.

En divisant par deux les coupes, on améliorerait :

  • Le climat.
  • Notre santé car la pollution du chauffage au bois est la composante majeure de la pollution atmosphérique des grandes villes. Cette pollution atmosphérique provoque 40000 morts prématurées par an en France. Ca fait beaucoup !
  • La biodiversité forestière, au lieu de son extinction en cours.
  • Les paysages pour les promeneurs qui demandent de belles forêts naturelles.

Vous l’avez compris nous sommes prêts à faire le maximum pour parvenir à réduire notre empreinte carbone à deux tonnes d’équivalent CO2 Nous avons l’espoir que l’État et les forestiers réaliseront à temps qu’ils ont leur part à faire. Il ne faut pas attendre 25 ans.

Ce changement de mentalité concernant la gestion des forêts n’est pas évident. Pour la direction de l’ONF et pour les forestiers privés, le bilan carbone de leur gestion ne fait pas partie de leurs objectifs. En effet, les plans de gestion des forêts françaises n’ont pas à fournir les bilans carbone qui en résultent. Et ces plans de gestion font loi pour une durée de 20 ans.

Jean-Claude Denard et Sylvie Cormier

 

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